250 Testa Rossa ! Ce nom évoque à lui seul la performance, la course automobile et le mythe Ferrari. La genèse de ce modèle remonte au
tragique événement des 24 heures du Mans 1955 où le moteur d'une Mercedes s'envolant dans les gradins tue plus de 80 spectateurs, renforcé par
celui des Milles Miglia de mai 57 quand Alfonso De Portago et son navigateur Edmund Nelson se tuent en perdant le contrôle de leur
Ferrari 335S, fauchant dix spectateurs et mettant un terme définitif à cette épreuve.
Dès lors, la Commission Sportive Internationale (CSI) se doit de réagir, une limite de cylindrée semble alors inévitable et Enzo Ferrari
s'emploie immédiatement au développement d'un nouveau bolide de course. Malgré ses nombreux succès en course, le quatre cylindre est
mis de coté au profit du V12 Colombo, parfaitement fiable. Ayant déjà fait la réputation de la marque, toujours ouvert à 60°, comportant
un seul arbre à cames en tête par rangée de cylindres mais dans une version totalement revisitée avec six carburateurs Weber double corps
de 38mm, portant sa puissance à 300ch et sa vitesse maxi à 245 km/h.
Comme le veut la tradition chez Enzo Ferrari, rien ne se crée, tout se transforme, et cette 250 Testa Rossa ne déroge pas à la règle en
étant relativement traditionaliste. Pour preuve la boîte de vitesses à quatre rapports, les freins à tambours (plusieurs autres marques
utilisent des freins à disques depuis 1952), les antiques amortisseurs à levier Houdaille et le pont de Dion (réservé aux Testa Rossa
d'usine, les versions clientes étant équipées d'un essieu rigide).
Un premier prototype développé à partir d'un châssis de 290MM, le 0666, est aligné au départ de la course des 1000 kilomètres du
Nurburgring le 26 mai 57, avec une prometteuse 10 ème place. Mais c'est surtout le deuxième prototype, le 0704TR, sur la base d'un
châssis de 500TR avec un empattement augmenté de 10 centimètres, qui va marquer les esprits, par le dessin original de sa face avant
caractérisée par des ailes échancrées. C'est Sergio Scaglietti qui dessine ces fameux "Ponton Fender" en s'inspirant des Formule 1 de
l'époque, les fameuses D50 et leurs réservoirs latéraux, afin de refroidir efficacement les freins à tambours de la belle.
Engagé aux 24 heures du Mans 1957, c'est avec un inédit moteur de 3,1 Litres que s'aligne 0704TR, mais il devra abandonner à la 10ème heure
suite à une casse de pistons. Une fois la limite définitive de la cylindrée fixée à 3 litres pour la saison 58 par la CSI, 0704TR
adoptera un moteur conforme et le 22 novembre la version client de la 250 Testa Rossa présentée à Maranello est ajoutée au catalogue
Ferrari.
Elle tire son nom, comme toujours chez Ferrari, de la cylindrée unitaire de chacun de ses cylindres, ici 250 cm3 et Testa Rossa,
voulant dire Têtes rouges, de la couleur de ses culasses peintes en rouge. La rumeur populaire évoque souvent la 250 Testa Rossa comme
la première Ferrari à arborer ces fameuses culasses rouges, mais c'est seulement la première à porter le nom entier Testa Rossa, sa
devancière la 500TR, ne portant que les initiales.
Le développement de cette nouvelle barquette de compétition bien avant l'annonce officielle de la limite de cylindrée dans le championnat
du monde, fait de Ferrari l'écurie la plus préparée à cette nouvelle réglementation et l'absence de concurrents sérieux concède une
écrasante domination à la 250 Testa Rossa lors de la saison 58, offrant le titre de champion du monde des constructeurs de voitures
de sport à la Scuderia Ferrari. Si l'on écarte les deux prototypes 0666 et 0704TR, deux châssis de TR58 seront construits, 0726TR et
0728TR. Un troisième verra le jour, 0746, mais nommé 296S, disposant d'un châssis Dino et d'un moteur expérimental de 3 litres.
19 exemplaires clients seront construits à la fin de l'année 58: 0710TR, 0714TR, 0716TR, 0718TR, 0720TR, 0722TR, 0724TR, 0730TR,
0732TR, 0734TR, 0736TR, 0738TR, 0742TR, 0748TR, 0750TR, 0752TR, 0754TR, 0756TR et 0758TR. Un vingtième châssis, 0760TR, sera
commencé mais l'arrêt de la production est ordonné par Enzo Ferrari voulant se concentrer sur le développement de ses voitures
d'usine. Son châssis sera en fait récupéré pour créer 0748TR et son moteur sera donné à 0746TR.
C'est aussi suite à plusieurs plaintes de pilotes mettant en cause une mauvaise stabilité de la voiture à haute vitesse, que les
"ponton fender" sont abandonnés pour la saison 59, conférant à la TR5 une carrosserie pleine plus aérodynamique et plus légère
créee cette fois par PiniFarina. Les autres grosses modifications sont l'abandon des freins à tambours pour des disques bien plus
efficaces, le remplacement de la boite 4 par une 5 vitesses et l'adoption de nouveaux ressorts de soupapes destinés à accroitre la
puissance moteur.
Mais après la domination quasi sans partage des 250 TR58, les cinq châssis de 250 TR59 construits pour la saison 59, (0766TR,
0768TR, 0770TR, 0772TR, 0774TR) montreront rapidement des signes de faiblesse face à une concurrence beaucoup mieux organisée
autour des nouvelles réglementations. Aston Martin, avec sa DBR1 et Stirling Moss au pilotage, est un sérieux prétendant à la
victoire et les Porsche sont constamment en embuscade. C'est ainsi qu'au terme d'une saison 59 éprouvante pour Ferrari la
victoire est acquise par Aston Martin avec 24 points au général, Ferrari et Porsche sont à égalité à 18 points, mais avec une
troisième place de plus, la seconde place est adjugée à l'écurie italienne.
Pour la saison de 60, Ferrari se doit de réagir et fait évoluer 0770TR, 0772TR et 0774TR en TR59/60. Pour s'adapter aux
différents changements de règlementation de la CSI, un pare-brise intégral est installé, l'empattement est réduit et le moteur
reculé, mais les ingénieurs de Maranello travaillent principalement sur la boite de vitesse ayant souvent fait défaut la saison
précédente, créant beaucoup de problèmes sur les circuits moins rapides. En début de saison une boite 5 vitesses transversale est
testée mais sans résultats probants, une 4 vitesses sera montée en position avant.
Plus tard dans la saison, à la journée test du Mans, Ferrari dévoile deux nouveaux châssis, 0780TR et 0782TR nommée TRI60, avec
une nouvelle architecture bien plus rigide et plus légère, accueillant enfin une boite 5 vitesses performante, et sur lesquels
on a adapté la suspension arrière à la Dino 246 F1, totalement indépendante par rapport au pont DeDion.
Les résultats sur la piste ne se font pas attendre longtemps, et le retrait d'Aston Martin laisse Ferrari en "tête à tête" avec
Porsche. Le classement final sera rigoureusement identique à l'année précédente, de nouveau ex-æquo avec 22 points, une troisième
place de plus faisant encore la différence, la Scuderia remporte le titre 1960.
A la fin de la saison 1960, le châssis TRI60 0782TR est modifié pour devenir l'ultime évolution des 250 Testa Rossa, la TRI61.
Deux autres châssis seront construits 0792TR et 0794TR. L'architecture est de nouveau revue et la carrosserie Fantuzzi, conforme
aux nouvelles spécifications pour 1961 prend le même faciès que la nouvelle Formule 1 de la Scuderia, la 156 F1 "Sharknose".
Pesant à peine 634 kg à vide, son moteur développe désormais 320 ch à 7400 tr/minute. Avec cette dernière mouture, Ferrari
s'adjugera les 12 heures de Sebring, la Targa Florio et surtout les deux premières places des 24 Heures du Mans 1961, emportant
cette année le championnat du monde des voitures de sport, haut la main devant Maserati et Porsche en troisième position.
Pour la saison 62, La CSI lance le championnat du monde GT, Ferrari y répondra avec la fameuse 250 GTO, dont le moteur descend
directement des 250 TR. Pour contenter tout le monde, une classe "expérimentale" est créee et c'est à partir de la deuxième
TRI 60, 0780TR, rebaptisée 0808, qu'est développée la 330 TRI/LM, exemplaire unique, mue comme vous l'aurez compris, par un moteur
de 4 litres (exposé plus complet sur ce châssis ICI). Cette dernière, malgré son augmentation de cylindrée, clôture donc la famille des "culasses rouges", et de la plus
belle manière qu'il soit puisque qu'elle offre sa troisième victoire consécutive aux 24 heures du Mans à Ferrari, ce sera
d'ailleurs la dernière victoire sur la piste mancelle, d'une voiture à moteur avant.