C’est au salon de Paris en octobre 1964 que Ferrari dévoile la 275 GTB et la 275 GTS toutes deux carrossées par Pininfarina en remplacement
de la 250 GT Lusso, dernier modèle de la famille vieillissante des 250. Selon la tradition de Ferrari, 275 évoque la valeur de cylindrée
unitaire du bloc moteur de 3,3L et GTB signifie Grand Tourisme Berlinetta le GTS étant Grand Tourisme Spyder.
Contrairement à la 275GTB qui possède une carrosserie dans la continuité des 250 GTO, aérodynamique, le plus lisse possible avec un long
capot et un arrière fortement incliné, le Spyder, monté sur le même châssis, est habillé d’une carrosserie totalement différente, plus
anguleuse avec plus de chrome, correspondant mieux à sa vocation de voiture de tourisme raffinée.
A l’intérieur, la finition est en vrai progrès grâce à de jolis garnissages de porte, un revêtement de tableau de bord plus soigné et un
grand volant en bois. Des sièges plus moelleux contribuent aussi à créer une ambiance plus détendue que sur les modèles antérieurs de la
marque,tout en gardant le levier de vitesse toujours dans sa fameuse grille Ferrari.
Les ambitions cachées de cette nouvelle Ferrari sont en fait de contrer le tout nouveau constructeur Lamborghini, ayant présenté sa magnifique
et révolutionnaire 350 GTV au salon de Turin 1963. Cette nouvelle venue innove sur deux points: un moteur V 12 muni de quatre arbres à came
en tête alors que Ferrari n’en a toujours eu que deux et quatre roues indépendantes, solution totalement inédite sur les bolides de Maranello.
Avec 3,3 litres de cylindrée, le moteur de la 275 n’est pas encore au niveau du 3,5 litres Lamborghini , mais avec ses trois carburateurs Weber,
la puissance annoncée de 280 chevaux permet d’atteindre les performances de la 350 GTV. A noter que sur la GTS, la puissance est abaissée à 260
chevaux pour gagner en souplesse et mieux convenir au caractère d’un cabriolet.
Ferrari reconnaîtra par la suite que le pont arrière rigide qu'il emploie depuis toujours était devenu obsolète, prétextant par contre que
l’emploi de quatre roues indépendantes pour son nouveau modèle n'était que pure coïncidence avec les innovations de Lamborghini. Quoi qu'il
en soit, avec la 275, les ingénieurs de Maranello mettront au point un des meilleurs châssis Ferrari de tous les temps. Cette nouvelle
architecture de triangles superposés avec des roues suspendues par deux doubles ressorts d’amortisseur permet de récupérer la place libérée
par le pont rigide pour y loger la boîte de vitesse. Auparavant toujours accolée à la suite du moteur, elle peut désormais être séparée et
montée à l’arrière avec son bloc différentiel pour une bien meilleure répartition des masses.
Dignes héritières des 250, les 275 sont des voitures superbes à voir et très plaisantes à piloter. Elles allient le confort d’une 250 GT Lusso
à la sportivité d’une 250 GT SWB, et à la demande d'une clientèle désireuse de s’affronter sur circuit, Ferrari développera une douzaine de
châssis plus musclés avec une carrosserie en aluminium et un moteur équipé de six carburateurs.
Au salon de Bruxelles de janvier 1966, la 275 apparait avec un nez redessiné. Pour améliorer l'appui aérodynamique, l'avant de la voiture
s'allonge et l'entrée d'air s'élargit. Pour différencier ces deux types de carrosserie, on parlera de série 1 et
2 ou plus simplement de "nez court" et "nez long". Sachez que pour les reconnaitre à coup sûr, il faut observer les pare-chocs avant: lorsqu'ils
sont situés sous la ligne basse d'une entrée d'air plus rectangle c'est une série 1, alors que placés au milieu d'une entrée d'air plus ovale, c'est
une série 2. A noter aussi sur les "nez long", un élargissement de la lunette arrière.
C'est aussi courant 1966 que Ferrari développe sur la base des série 2, une version totalement dédiée à la compétition en catégorie GT,
la 275 GTB/C, « C » pour Competizione. Ressemblant à toutes les autres de 275 à nez long, elle était par contre plus légère grâce à
une coque tout en aluminium, des vitres latérales et une lunette arrière en plastique. Son moteur est aussi plus puissant grâce à de plus
grandes soupapes et a une lubrification à carter sec. Elle sera par contre homologuée par la CSI uniquement en version trois carburateurs.
Deux des douze GTB/C ne connurent jamais la compétition, étant vendues avec pneus Pirelli montés sur des jantes en alliage et à la demande de leur
acquéreur, réglées pour une utilisation route. Les dix autres furent équipées de jantes spéciales Borrani et chaussées des derniers pneus de course
Dunlop. Cette combinaison sera le point faible des GTB/C, car les pneus ayant tellement de grip pouvaient surcharger
et briser les rayons des roues, ce sera d'ailleurs la toute dernière Ferrari de compétition à utiliser des jantes à rayons.
C'est de nouveau au salon de Paris en octobre 66 que Ferrari présente la toute dernière évolution de la 275. Il s’agira de la dernière
Ferrari à utiliser le V12 Colombo qui, après presque 20 ans de bons et loyaux services sera passée de 1,5 litres à sa naissance à 3,3 litres sur
la 275. Ce sera aussi la première Ferrari de grand tourisme à être équipée de double arbres à Came en tête. Grâce à ses perfectionnements
le moteur de la 275 est désormais capable d’atteindre 300 chevaux à 8000 Tr/minute tout en conservant une remarquable souplesse. Baptisée
GTB/4, pour 4 arbres à cames, cette dernière version est facilement reconnaissable par son bossage de capot.
Courant 1967, Luigi Chinetti, l'importateur de Ferrari aux États-Unis, commandera à Enzo Ferrari une version décapotable de la GTB/4, la 275
GTS/4 NART. Il demandera expressément qu'un badge à l'effigie de son écurie de course soit apposé à l'arrière, et seulement 10 châssis
seront produits sur les 25 prévus initialement dont un seul restera en Europe. Le premier ,09437, sera même propulsé au rang d'icône après
un passage sur grand écran aux mains de Steve McQueen dans le film « L'Affaire Thomas Crown ». C'est d'ailleurs suite à ce tournage que l'acteur
passera commande auprès de Ferrari d'une 275 GTB/4 pour remplacer sa 250 GT Lusso.
Avec une puissance disponible sur une large plage de régime, des dimensions réduites, un faible poids et une excellente tenue de route
alliée à une carrosserie que certains qualifient comme une des plus belles réalisations de Ferrari, la 275 GTB reste une voiture icône
extrêmement recherchée par les collectionneurs.