Chez Ferrari, rien ne se crée, tout se transforme ! Enfin c'est ce qu'on peut dire du premier V12 de la marque, imaginé en 1945 par
Gioachino Colombo, qui n'a cessé d'être modifié en augmentant sa cylindrée à chaque nouveau modèle de l'usine. Il atteint son apogée
en 1953, avec une cylindrée de 3 litres (250 cm3 par cylindre), délivrant une puissance de 240 ch, qui donnera naissance à toute la
lignée des 250 dont la fantastique GTO.
Si le nom de Colombo est indissociable de cette dynastie de championne, rappelons tout de même que ce dernier quitte Ferrari dès
1950 pour retourner chez Alfa-Roméo et que c'est Aurelio Lampredi qui est chargé par le Commendator de prendre sa succession. En
plus des modifications du fameux V12, il va développer un nouveau moteur de quatre cylindres que Ferrari va utiliser pour la Formule 1,
dominant ainsi largement les championnats de 1952 et 53, mais aussi en l'implantant dans des modèles comme la 500 Mondial, la 625 TF
ou la bestiale 857 S Monza où il culmine à une cylindrée de 3421 cm3, développant 280ch à 6000 tr/min. Le principal atout de ce quatre
cylindres étant d'avoir un couple élevé à bas régime.
C'est avec un décor ainsi planté que nous pourrons mieux comprendre la genèse de cette 250 Monza, un peu particulière, puisque cette
voiture est une sorte d'hybride entre ces deux lignées de bolide. Pour répondre au besoin de ses clients qui veulent une puissance
maximale à haut régime, Ferrari installe en 1954 le V12 Columbo en position longitudinale dans un châssis de type 750 Monza.
Ce moteur est en tout point identique à celui de la 250 MM, première de la lignée 250, avec une cylindrée de 2953 cm3, trois carburateurs
quadruple corps Weber, développant une puissance de 240ch à 7200tr/min, bien entendu toujours couplé à sa boîte à quatre rapports
placée à l'arrière pour une bonne répartition du poids. Coté châssis, c'est une copie parfaite de la 750 Monza avec quatre freins à
tambour hydraulique à double piston et sa fameuse suspension arrière DeDion et son ressort à lames semi-elliptiques transversales. Son
poids à vide est de 850Kg.
Seulement quatre châssis seront construits, trois d'entre eux(0420M, 0432M et 0466M) sont confiés à Pinin Farina et recevront une
carrosserie de style 500 Mondial, le quatrième (0442M) est laissé au bon soin de Scaglietti qui lui donne une carrosserie style 750
Monza, c'est d'ailleurs celui-ci qui vous est présenté ici.
Après avoir participé à un maximum de course en Europe, 0420M retournera chez Pini Farina en décembre 1954 après qu'elle a été
gravement endommagée à Zandvoort et sera reconstruite. C’est là que l’histoire de ce châssis devient brumeuse : certains disent qu’il a
simplement reçu une nouvelle carrosserie, mais d’autres avancent la thèse qu’un cinquième châssis, construit en réserve par Ferrari,
aurait été utilisé et aurait repris le même numéro. Pour les puristes, 0420M ne serait donc plus d’origine.
0432M, après avoir couru brillamment en 54 et 55, est racheté par Luigi Chinetti, l'importateur Ferrari aux USA en 1957. Il est à
noter que ce châssis est le premier des quatre à être sorti de l'usine de Maranello le 12 mai alors que 0420M n'en sort que le 26 juin.
Avant de l'embarquer pour les Etats-Unis, il l'envoie chez Scaglietti ou la voiture reçoit ce qui semble être la toute première carrosserie
à "Ponton Fender" juste avant celle des fameuses 250 Testarossa.
Pour 0466M, la troisième Pinin Farina, l'histoire est encore plus sombre et complexe. Après une carrière en Europe pour la saison
1954, la voiture s'exporte au Venezuela puis au Brésil pour y courir de 55 à 58, juste après cette époque, elle disparait mystérieusement
des écrans radar. Son épave est finalement retrouvée dans les années 70 en Uruguay et n'a encore jamais été restaurée. Elle a participé
à Retro-mobile en 2011, un projet de restauration serait en cours pour la bagatelle de cinq millions de dollars. Le mystère s'épaissit
encore car le châssis d'origine 0420M, accidenté à Zandvoort, aurait finalement était réparé, recevant la première carrosserie de 0432M,
un moteur de 250GT et frappé du numéro 0466M. Vous l'aurez compris, les archives d'époque ne sont pas très claires, et chaque protagoniste
y va de sa petite histoire, une voiture disparue puis retrouvée, une autre reconstruite, il existerait bel et bien deux autos avec
le même numéro de châssis, la primeur allant bien évidemment à celle actuellement épave !
Mais abordons maintenant le châssis qui nous amène, le 0442M, seul des quatre exemplaires, si l'on écarte le 0466M épave, à avoir
sa carrosserie d'origine, le seul à être initialement carrossé par Scaglietti. Cette 250 Monza est livrée neuve en rouge foncé à l'Italien
Franco Cornacchia qui l'intègre à sa Scuderia Guastalla et la confie à Gerino Gerini qui obtient de très bons résultats tout au
long de la saison 1954. Sa livrée est d'ailleurs celle de la Carrera Panamerica de cette même année, sponsorisée par l'hôtel Prado
Americas d'Acapulco, avec laquelle il se classe cinquième au général.
La carrière de 0442M se fait ensuite plus exclusive, la voiture est vendue en novembre 54 à Manfredo Lippman, qui l'emmène vivre
au Guatemala. En 55, son unique inscription en course sera au 12H de Sebring, mais elle n'en prendra pas le départ à cause d'une
panne moteur. Elle participera à plusieurs courses en Amérique du Sud avec de belles victoires à la clé et prendra sa retraite
sportive à la fin de la saison 1958.
La voiture change beaucoup de propriétaire, et en 1960 émigre aux USA, rachetée par un diplomate français basé à New York qui l'aurait
abandonnée dans un parking avant de rentrer en France à la fin de cette même année. Récupérée par Franco Brittanic Motors et revendue
à Peter Burroughs pour seulement 2900 dollars, ce dernier s'en serait servi comme voiture de tous les jours pendant plus d'un an
avant de la revendre.
Ce n'est qu'en 2002 qu'elle revient en Europe, en Angleterre, pour repartir en Amérique en 2003, puis revenir au Pays-Bas en 2007
et finir en Italie, chez son propriétaire actuel Giuseppe Prevosti.
Passé par plusieurs couleurs au cours de sa vie, ce châssis a été entièrement restauré aux alentours des années 2000, revêtissant
par la même occasion sa livrée de la Panamerica de 1954. Très récemment, peut-être après son léger accrochage au Mille Miglia
historique de 2009, les sièges d'un cuir brun foncé sont devenus ocre clair, ce qui nous permet d'en déduire que la reproduction
au 1/18 faite par CMF est la version actuelle de 0442M.
Voici le palmarès complet de 0442M:
1954
27 juin - GP Supercortemaggiore, Monza (Franco Cornacchia/Gerino Gerini N°20) 3ème
04 juillet - Course de côte de Bolzano-Mendola (Gerino Gerini N°104) 2ème
11 juillet - Coppa d'Oro delle Dolomiti (Gerino Gerini N°98) 3ème,1er Cat
24/25 juillet - 10h de Messina (Franco Cornacchia/Gerino Gerini N°2) abandon, boîte de vitesse
8 août - Circuit de Senigallia (Gerino Gerini) 2ème
19/23 novembre - Course de côte de Cividale-Castelmonte (Franco Cornacchia/Gerino Gerini N°22) 5ème,3ème Cat
1955
13 mars - 12 heures de Sebring (Chuck Daigh/Manfredo Lippmann n°29) abandon, panne moteur
1957
fevrier - Course de Guatemala Lake Amatitlan (Manfredo Lippmann N°29) 1er
24 février - GP de Cuba (Manfredo Lippmann N°16)
fin de l'année - GP du Salvador (Manfredo Lippmann) 1er
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